Flashback ~~~ Meilleures des rencontres. [Feat. Romuald]

L’odeur du bois vermoulu, du rhum, et de la cire des bougies qui fond ; le brouhaha des voix grasses et sonores, les poings qui tapent sur les tables et les pieds qui tapent sur le sol au son d’on ne sait quel instrument. D’ailleurs était-ce un aoud ou une voix qui produisait ce son grinçant insoutenable ? Cela ne semblait pas tracasser les clients à la vue brouillée par l’ivresse et la chaleur étouffante de l’endroit, contrairement au jeune LeFay qui se demandait si ses oreilles allaient survivre. Une soirée plus qu’appréciable au Ursula’s Fish & Chips s’annonçait, et ni Romuald ni sa sœur Ronce n’avaient voulu louper ça, surtout après une semaine aussi éreintante qu’avait été la leur. C’était leur petit rituel à eux, chaque semaine de s’offrir une petite soirée et un repas tranquille à l’extérieur de chez eux après que Romuald ait accepté d’entrainer sa petite sœur en cachette. Il ne pouvait lui dire non la pauvre, alors qu’elle rêvait de tant d’aventures et de découvrir le monde. Et malheureusement pour sa sœur, son père refusait tout net de la voir posséder une épée ou de se battre. Car la dernière fois qu’une fée s’était mis en tête de botter des derrières, de partir à l’aventure et de jouer les chevaliers, Roland LeFay y avait perdu sa couronne, son armée et tout son avenir. Alors il refusait tout net de voir sa fille se conduire ainsi. A que la vie aurait pu être belle si seulement ils avaient eu la chance de quitter cette île pour bonne conduite. Mais les affiches de prospections n’étaient que de vaste fumisterie et mensonge et sans piston à l’extérieur, Romuald avait fini par comprendre qu’on avait pas la moindre chance. Alors il grignotait son assiette de poisson sans rien dire, l’esprit perdu dans le vide alors que Ronce tentait de lui raconter une partie de sa semaine.

Tout aurait pu continuer ainsi. Ils auraient pu manger et discuter sans faire d’histoire, et continuer leur soirée comme elle avait commencé, sans trop de remous. Tout aurait pu rester presque calme et tranquille, si seulement un autre des clients n’avait pas fini par craquer sous l’effet des grincements insupportables du musicien, et n’avait pas entreprit de tenter de lui nouer son banjo autour du cou dans un SCROÏNG mal accordé. Si un autre client n’était pas venu au secours du pauvre joueur de gratte, déclenchant une inexorable réaction en chaîne chez les pirates de coup de poings et de chopes qui volent. Romuald n’avait même pas encore sauté sous la table ni songé à hurler à quelqu’un de le protéger que Ronce elle était déjà parti se joindre dans la bataille. Heureusement qu’on exigeait que les épées soient déposé à l’entrée sinon à coup sûr la fée blonde aurait déjà pris celle de son frère. Et la réaction en chaine continua, Romuald se retrouvant finalement pris à parti avec un sombre idiot qui n’eut pas de plus brillante idée que de lui écraser une poterie rempli d’eau sur la tête.

-Mon brushing !!!! Coupez tout ! Il me faut quelqu'un !!! Vite !!!

Mais loin de s’arrêter à ce cri de détresse, la bagarre au contraire redoubla. Romuald estomaqué par tant d’outrage marqua une pause, mais quiconque le connaissait aurait pu voir la colère monter en lui comme une fièvre. Il bouscula tout le monde pour rejoindre le bouseux qui avait eu l’audace de s’attaquer à sa coiffure, le pliant en deux d’un coup de genoux après lui avoir envoyé le plus magistrale des coups de boule. A coup sûr ça ce serait un beau nez cassé et difforme à l’avenir. Après plusieurs minutes de coups de pied, coup de poing, morsure, la bagarre général migra vers les docks et l’extérieur avant de ne ruiner complètement l’intérieur du restaurant et de s’attirer les fureurs d’Ursula, Romuald en profitant pour récupérer son épée avant de faire rouler son adversaire dehors où tout se joyeux monde se dispersait et s’engueulait bruyamment, tandis que lui en profitait pour se mettre en retrait et inspecter les ignobles dégats subi par sa coiffure. A coup sûr il n'était pas passé loin de la blessure mortelle...

Il était plutôt rare de voir Romuald se mêler et surtout participer aux bagarres générales qui se déclenchaient de manière régulière sur l’ile. Mais là c’était la goute de trop pour le jeune fée. C’était plutôt digne d’un donut’s sans sucre glace, d’un sundae sans sauce caramel ou de pancakes sans sirop d’érable, même si il ignorait l’existence de la moitié de ces douceur. En bref ce n’était juste pas tolérable que l’on ose ainsi s’attaquer à ses bouclettes blondes si parfaites. Est-ce que les gens se rendaient compte du temps et de la difficulté que cela représentait d’entretenir sa coiffure et de garder son standing sur cette île ?! Une île où il était parfois bien difficile de trouver de l’eau autre que croupie pour se laver !!! Bien sûr que non ! La moitié de ces énergumènes étaient aussi bien fagoté et propres que des sacs à patates ! Il en saignait des yeux rien qu’à les voir parfois. Voilà pourquoi au final le jeune homme s’était lancé dans la bataille sans plus réfléchir à rien, oubliant l’idée de prendre la fuite tant qu’il n’aurait pas sorti le malandrin lui-même et ne lui aurait pas fait regretter son geste. Les LeFay peuvent être très rancunier il ne faut pas croire.

Finalement après avoir récupéré son épée et mis un bon coup de pied aux fesses à l’ivrogne, il se décala pour essayer d’examiner son reflet dans les rares vitres du restaurant, inspectant les ignobles dégâts sur sa chevelure, préférant désormais se tenir loin de l’agitation générale qui venait de gagner les docks maintenant. Et là patatras ! Sucre bleu ! Enfer et damnation !!! Trempé de la tête jusqu'aux pieds, Romuald semblait avoir le visage agité de tics face à son propre reflet. Il regardait ses habits, imbibés d'eau et il en avait le souffle coupé. Il ouvrait la bouche, la refermait, levait un doigt, le rabaissait et recommençait ces gestes une dizaine de fois sans qu'aucun son ne sorte de sa bouche. C’était un désastre absolu. On aurait dit qu’il se promenait avec un caniche mutant sur la tête ! Horrible, désastreux. Il tenta de remettre un peu d’ordre dans ses boucles trempées et collantes, se servant du vague reflet que lui offrait la vitre, quand il entendit soudain le cri d’une jeune demoiselle effrayé juste à ses côté, tournant la tête à temps pour voir le matelot qu’il venait de corriger revenir à la charge, fonçant droit sur lui en pensant que Romuald ne l’avait pas repéré.

-Je veux pas mourir...

Tiens ? Une jeune femme s’était égaré dans cet affrontement d’ivrogne ? En se retournant, prêt à encaisser la charge du bouseux, Romuald avait cherché un instant du regard avant de repéré une silhouette fragile roulé en boule juste à quelques pas de lui. Silhouette qui se trouvait d’ailleurs en plein sur la trajectoire du loubard qui se ruait sur eux en hurlant comme un damné. Fichtre, mais c’est qu’il allait l’écraser l’imbibé ! Sans plus réfléchir une fois de plus, le jeune homme se rua en avant à son tour, se plaçant juste devant la demoiselle, mû par un réflexe, stoppant le bras de son adversaire dans sa course et se débarrassant de son opposant d’un coup de genou bien placé avant de le saisir par une oreille.

-Dis donc maroufle ?! On t’as jamais appris à pas piétiner les demoiselles comme un vulgaire pachyderme ?! Arrière !

Ni une ni deux, il avait profité de l’élan de son adversaire, le tenant toujours fermement par l’oreille pour le propulser et l’éjecter dans les caisses qui bordaient les docks. Le SPLAAAASTCH sonore qu’il reçut quelques secondes après lui apprit qu’au final il avait loupé les caisses et que le mufle saccageur de cheveux venait de faire un plongeon dans les eaux du port. Tant pis, cela lui remettrait peut-être au moins les idées en place. Ce n’était pas son souci ni son problème. Le gros de la dispute commençait à s’éparpillait dans tous les coins, bien que la bataille était loin de toucher à sa fin, aussi Romuald se pencha doucement vers la jeune fille.

-Tout va bien ? Est-ce que tu peux te relever ? Tu ne devrais pas rester comme ça en plein milieu, ces imbéciles pourraient ne même pas te voir…

Il lui avait tendu la main, secourable malgré l’allure pitoyable qui donnait, mouillé jusqu’au bas du dos mais tant pis. Un vrai chevalier devait toujours porté secours aux personnes en danger. C’était en tout cas ce que répétaient certains des prospectus de bonne conduite.

Il avait voulu tendre une main secourable à la jeune inconnue, voulant d’abord l’aider à se remettre debout mais n’obtint comme réaction qu’un cri de terreur. La faute à son brushing désastreux très certainement. Il comprenait, il ne pouvait pas lui en vouloir. Mais d’un autre côté ça le vexait terriblement et le couvrait de honte. Ce n’était pas sa faute si on l’avait attaqué aussi sauvagement. Les pirates n’avaient jamais aucun respect pour rien ! Si il venait ici, c’était uniquement pour faire plaisir à sa sœur lui. Aussi essaya-t-il vainement de passer une main dans ses boucles mouillés, aplatissant sa coiffure plus qu’autre choses, cela étant loin de lui donner plus fière allure, bien au contraire, le forçant à abandonner cette vaine tentative avec désespoir. Il continua de regarder la jeune fille, essayant de montrer un air sympathique pour ne pas faire encore plus peur et peu fréquentable qu’il n’en avait déjà l’allure, gardant la main tendu le temps qu’elle se relève, tentative qui se solda quand elle retomba au sol, le faisant se porter instinctivement en avant pour la rattraper

-Est-ce que tout va bien ? Vous êtes blessée ?

Il chercha Ronce des yeux pendant une seconde, espérant que sa sœur puisse peut-être venir l’aider et rassurer la jeune femme mais c’était sans compter sur le fait que la demi-fée était bien trop occupée à se jeter dans le reste de la bagarre générale. Bon tant pis. Il allait se mettre en grève et laisser tout le monde se dépatouiller tout seul puisque c’était ainsi ! Puisque personne n’avait aucun respect pour lui il n’en aurait pas plus pour eux et il attendrait que tous soient morts ! Puisqu’il était coincé là autant qu’il profite du spectacle jusqu’à ce qu’il n’en reste aucun. Sauf peut-être la demoiselle égarée. Après tout elle avait l’air plus perdue et terrifiée qu’autre chose, le faisant donc se rapprocher d’elle avec douceur.

-Laissez-moi vous aider, je ne vous veux aucun mal je vous assure. Vous pouvez tenir debout ?

Une fois la demoiselle sur ses deux jambes, il l’avait finalement entrainé vers le restaurant, restant dans la douce chaleur des lumières.

-Au fait je ne vous ai jamais croisé par ici ?

Malheureusement, il n’eut guère le temps d’en dire plus, car alors que Ronce était occupée à assommer la moitié de l’assemblée, trois hommes se dressèrent autour de Romuald en lui barrant la vue. « C’est lui le bouffeur de salade. Chopez-le les gars ! » s’exclama l’homme qui avait ruiné son brushing et qui avait finalement réussi à se sortir de sa baignade, revenant avec des complices cette fois dont l’un essaya de s’emparer de Romuald. Manque de chance, ce dernier avait encore quelques bons réflexes et s’esquiva comme une anguille en bondissant de côté avant de leur jeter tout ce qui lui passait sous la main à la tête. Il n’avait pas besoin de plus d’informations pour savoir qu’il était tombé sur des partisans hostiles à sa personne, et qu’ils avaient décidé de lui faire payer à lui les fautes de l’alcool. Profitant du bref désarroi de ses agresseurs, Romuald décida qu’il était finalement grand temps de tenter une fuite stratégique, attrapant la demoiselle par le poignet, prêt à courir  mais l’un d’eux le rattrapa et l’attrapa par le col de son manteau avant de le plaquer contre le mur, le poing levé prêt à s’écraser dans sa figure. Quelle idée il avait eu de faire la conversation au lieu de partir sans demander son reste. Mû par un réflexe, le demi-fée stoppa tout de même de justesse le bras dans sa course et se débarrassa de son opposant en se laissant glisser au sol pendant que les deux autres arrivaient en renfort. Un coup au bas ventre stratégiquement -et surtout très vicieusement- placé fit plier son adversaire en deux. Cours de Gaston n°3 en cas de danger de mort imminent, toujours viser les grakignacks. Il en avait finalement profité pour se relever mais n’avait pu échapper à un second coup de poing qui failli bien l’envoyer valser contre le mur. Il sentit d’ailleurs rapidement un filet de sang s’écouler d’une de ses lèvres et répandre un goût âcre dans sa bouche. Il allait être bientôt totalement défiguré à ce rythme !!! Heureusement, il n’était pas encore complètement démuni et parvint à esquiver un autre coup et profiter de l’élan de son adversaire pour l’envoyer s’écraser contre son acolyte, n’attendant pas une seconde pour attraper la jeune fille et courir loin du port cette fois.

-Filons d’ici et vite !

Ils se retrouvaient encercler par trois gredins, sans possibilité de fuite ni ouverture, Romuald reculant sagement à chaque pas que l’on faisait vers lui. Il avait bien songé à hurler à la jeune fille à ses côté de le protéger quand le type qu’il avait poussé à l’eau l’avait apostrophé, comme s’il craignait soudainement qu’on ne l’envoi à son tour au fond de la mer avec peu de chance de remonter à la surface, cette fois. Mais finalement son honneur avait réussi à l’empêcher de hurler comme une fillette. En revanche l’instinct de survie de celle qu’il venait de sauver d’une atroce mort par piétinement n’avait pas son job lui, Romuald écarquillant les yeux de panique en l’entendant mettre de l’huile sur le feu et craquer le paquet d’allumette avec. Et forcément sur sa bouille à lui que les trois compères sautèrent. Ah non. Non, non, non, non il n’était pas du tout d’accord là. C’était un scandale ! Une honte ! Certes il savait que les pirates n’avaient pas d’honneur, il savait qu’ici sur l’île on ne se battait pas à la loyale mais alors là c’était vraiment d’une injustice crasse ! Il n’avait fait que défendre sa vie et celle de son brushing lui ! Pourquoi Ronce n’était pas là pour se rendre utile pour une fois hein ? Elle aurait adoré une situation pareil nom d’une licorne ! Après tout, sa sœur ne vivait jamais autant que quand elle se mettait en danger et désobéissait à toutes les règles que son père et sa mère avait tenté de leurs inculquer pour être digne de quitter cette maudite île. En plus, dans une bagarre Ronce était presque toujours sûre de sortir vainqueur… à moins de se retrouver par malheur face à une armée de grizzli. Bestioles qu’on ne trouvait pas sur l’ile de toute façon. Mais Ronce n’était pas là et il allait devoir faire face. Et clairement, le trois contre un n’était pas à son avantage. La fuite s’imposait et vite mais malheureusement pour Romuald, un autre coup de poing l’envoya à nouveau valser contre le mur. Il se défendait comme il le pouvait mais ses adversaires étaient retors et n’hésitaient pas à user de coup bas. Heureusement, ils n’étaient pas encore complètement démuni et le fée vit soudain la jeune fille qu’il tentait de défendre se jeter à son tour dans la bataille et se jeter sur un de ses adversaires qu’elle envoya ainsi s’écraser contre son acolyte avant de se relever le plus naturellement du monde.

-Plutôt facile

-Hein ?!

Pardon ? Est-ce qu’elle était en train de se moquer doucement de lui ? Romuald en restait aussi estomaqué qu’un flan au caramel ou qu’un pudding à la guimauve. Ceux-là même que sa mère leur servait parfois en dessert. C’était bien sa veine tout ça… tomber sur une fille aussi dangereusement inconsciente et téméraire que sa petite sœur. Il devait les attirer, il n’y a pas d’autres solutions. Toutefois la brunette semble beaucoup moins maline et sûre d’elle quand les deux sales types commencent à se relever. Non sans une rajouter une petite couche. Romuald avait envie de hurler et de rentrer chez lui mais son honneur l’empêchait de se conduire aussi lâchement. Et puis si ils continuaient à s’attarder ainsi, ils allaient tous les deux finir noyé au fond du port. Il attrapa de nouveau la demoiselle et cette fois ni une ni deux la traina en courant loin du port, loin du restaurant et loin de tous ces fous qui continuaient de se jeter les uns sur les autres. Jusqu’à ce qu’ils soient assez loin pour ne plus rien percevoir des cris et ne plus croiser de gens en voulant clairement à leur vie. Mais comme on était jamais sûr et que la prudence aidait à vivre vieux… il continuait de courir. Du moins jusqu’à ce que brusquement un à coup à son poignet ne le fasse se stopper et se retourner, regardant avec surprise la demoiselle qu’il entrainait à sa suite. Et elle semblait encore bien trop prête à se jeter dans les ennuis à son gout.

-Trop ? Trop dangereux oui … Ces types nous auraient certainement passé à la moulinette oui ! Il ne vaut mieux pas retourner là-bas crois-moi !

Il profite d’un instant pour retrouver un peu de son souffle également, l’adrénaline retombant peu à peu.

-Alors dis-moi … maintenant qu'on est loin... comment tu t’appelles ? Je ne crois pas t’avoir déjà vu au port avant ?